Gherasim Luca (1913 – 1994) – Une vie une oeuvre

 Gherasim Luca (1913 – 1994)

Une vie une oeuvre

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Ghérasim Luca (1913-1994)
Emission du 16 Janvier 2005

par : Lydia Ben Ytzhak
réalisation : Christine Berlamont

En 1994, un homme se jette dans la Seine. Après son ami Paul Celan. C’est Ghérasim Luca, le surréaliste né en Roumanie qui avait fait du français une langue étrange : la sienne. Une langue orale qu’il lisait lui-même, renversant d’un même verbe l’esprit et le corps. La rage qui le portait conjuguait une inquiétude métaphysique et un jeu, des mots qui glissent, un humour jamais très éloigné des larmes. Pour s’affranchir poétiquement de tous les automatismes sclérosés du sens, Ghérasim Luca a dû jouer avec les structures syntaxiques, faire bégayer la langue, inviter sa voix en incarnation rauque du corps tout entier.

Sa poésie, au départ d’inspiration alchimique et kabbalistique, offre par jeux de mots et balbutiements maîtrisés, l’image d’une humanité indomptable, « passant du dialogue au dé-monologue » et refusant de rester en équilibre « sur volupté et terreur » (Démonologue). Dès l’après-guerre, il rédigea un Manifeste non oedipien qui réclamait la disparition sociale de tous les comportements familiaux, ou de toutes leurs perversions. De Dialectique de la dialectique au Héros Limite , du Quart d’heure de culture métaphysique dans le Chant de la Carpe aux Paralipomènes et au Vampire passif , à La Mort morte, toujours sur le fil, il écrivait : « Comme le funambule à son ombrelle je m’accroche à mon propre déséquilibre. ».

Intervenants

Dominique Carlat auteur de Gherasim Luca l’intempestif , (éd. José Corti)

Sébastien Reichmann auteur de Balayeur devant sa porte , (éd. L’Improviste)

Petre Raileanu auteur de Gherasim Luca (éd. Oxus)

Gérard Durozoi auteur de Histoire du mouvement surréaliste , (F. Hazan, 2004)

Thierry Garrel a contribué à l’édition du double CD “Gherasim Luca par Gherasim Luca”, (éd. José Corti)

Patrice Delbourg auteur de Les Désemparés (éd.Le Castor Astral)

Sébastien Petibon

Ghérasim Luca par Ghérasim Luca
Co-édition Editions José Corti / Héros-Limite

Direction artistique : Nadèjda et Thierry Garrel
Mixage: Marc Ricard -Totem
Photo de Ghérasim Luca : Gilles Ehrmann

Pour la première fois sont diffusés dans le commerce des extraits des récitals mythiques donnés par Ghérasim Luca en France et à l’étranger, dont se souviennent tous les spectateurs de l’émission d’Océaniques « comment s’en sortir sans sortir » réalisée par Raoul Sangla.
Figurent ici trois textes inédits dont l’inoubliable « L’autre Mister Smith » (plus de cinquante minutes) et « Le Tangage de ma langue » – sorte de manifeste sur la poésie de l’auteur – ainsi que la plupart des « classiques » de Ghérasim Luca, tous publiés chez Corti.

Le Tourbillon qui repose****
Zéro coup de feu****
Le Tangage de ma langue°
Héros-limite*
L’Écho du corps*
Ma déraison d’être*
Auto-détermination*
La forêt****
Quart d’heure de culture métaphysique
Vers le non-mental****
Vers la pure nullité°
Son corps léger***
Hermétiquement ouverte*
La Question***
Prendre corps***
Passionnément **
La Clef****
L’Autre Mister Smith° (d’après Catherine Moore)

* in Héros-Limite
** in Le Chant de la carpe
*** in Paralipomènes
****in La Proie s’ombre
° inédit

GHÉRASIM LUCA
Né à Bucarest en 1913, Ghérasim Luca s’établit à Paris en 1952. Dès 1945 il s’attache à l’exploration du fonctionnement réel de la pensée et de l’acte (Le Vampire passif).

Dans un monde qui se désagrège, mais non les valeurs et les intuitions qui le sous-tendent et qui s’inscrivent dans la figure d’Œdipe, va émerger la poésie non-œdipienne (L’inventeur de l’amour, 1945 ; Le Secret du vide et du plein, 1947). Le langage se trouvera simultanément déconstruit et recomposé (Héros-limite, 1953).

Par le moyen d’opérations physiques sur le langage, Luca restitue une vibration évidente mais pourtant insoupçonnée logée dans les structures verbales (Sept Slogans ontophoniques, 1964 ; Sisyphe Géomètre, 1967 ; Le chant de la Carpe, 1973).

De cette approche procèdent également Les rituels de L’Extrême-Occidentale, 1961, Les transmutations de La CLef, 1960, Les genèses de La Fin du monde, 1973.

Mais surtout le poème quitte l’écrit, s’oralise (Crimes sans initiale, L’Autre Mister Smith : récitals), se visualise (Crier Taire, La Maison d’yeux : cubomanies, dessins).

Dans Paralipomènes, 1997, s’affirme la tendance à sortir du langage, à transgresser le mot par le mot, et le réel par le possible.

Enfin avec Théâtre de bouche, 1984, Luca se fait le metteur en scène des affres de l’homme axiomatique que La Proie s’ombre, 1991, condense et volatilise.

In «Le Cahier du Refuge» No 12 CICPM, juin 1991.

Biography (English)

Gherasim Luca (or Gherashim Luca) (July 23, 1913 – February 9, 1994) was a surrealist theorist and Romanian poet, frequently cited in the works of Gilles Deleuze and Félix Guattari.

Luca was born in Bucharest, the son of a Jewish tailor. He spoke Yiddish, Romanian, German and French. From 1938, he traveled frequently to Paris, France, where he was introduced to the Surrealist circles. World War II and the official antisemitism in Romania forced him into local exile. During the short pre-Communist period of Romanian independence, he founded a Surrealist artists group, together with Gellu Naum , Paun , Theodorescu and Dolfi Trost.

His first publications, including poems in French followed. He was the inventor of cubomania and, with Dolfi Trost, the author of the 1945 statement “Dialetic of Dialectic”. Harassed in Romania and caught while trying to flee the country, the self-called “étran-juif” (“StranJew”) finally left Romania in 1952, and moved to Paris through Israel.

There he worked among others with Jean Arp, Paul Celan, François Di Dio and Max Ernst, producing numerous collages, drawings, objects and text-installations. From 1967, his reading sessions took him to places like Stockholm, Oslo, Geneva, New York City and San Francisco. The 1988 TV-portrait by Raoul Sanglas Comment s’en sortir sans sortir made him famous for a larger readership.

In 1994, he was expelled from his apartment, officially for hygiene reasons. Luca, who had spent forty years in France without papers, could not react. On February 9, at the age of 80, he committed suicide by jumping in the Seine.

Liliane Giraudon – La Poétesse. Homobiographie

La Poétesse porte dans son titre la trace d’un féminin dégradé. En séries de proses précipitées, on peut dire que ce livre aborde la question du sexe des livres comme de ceux qui les ouvrent. Il s’agit de voir la poésie comme objet accidenté. L’héroïne Poétesse note au jour le jour les événements qui se présentent. Un soir elle décide d’étrangler sa sœur jumelle. Elle achète une corde mais sa sœur est déjà morte. Pasolini lui rappelle qu’il était populiste comme Boulgakhov se disait mystique à la cour de Staline. Des événements se succèdent. C’est assez simple. Tout travail sur soi-même est un travail sur le langage et par conséquent sur le bien commun. Quelqu’un dit : « Ma guerre se nourrit d’une guerre, je dois essuyer un féminin terrible. »
Un livre violent, souvent drôle et qui ne sépare pas l’écriture du poème de l’exercice de vivre.

http://www.pol-editeur.com/

Ogni lavoro su di sé è un lavoro sul linguaggio e di conseguenza su un bene comune.

Un libro violento, ma anche divertente e che non separa la scrittura della poesia dall’esercizio del vivere.

*

La Poetessa

La Poeta ha indossato a fine
giornata una vecchia camicia del
padre morto. Calda e morbida.
Pioveva. D’improvviso freddo.
Ha colto gli ultimi
pomodori maturi (odore acre e
nelle mani la traccia nera
vischiosa). Mele cadute
poi le pere gialle questa volta
pendono. Il fantasma del
padre nella cantina, poi vicino agli
alberi. Per quanto tempo
ancora apparirà. È la
domanda che si pone.
Lei (intendete sempre «La
Poeta») annota che ha ritrovato
una poesia di Adilia Lopez.
Adilia Lopez è un altro poeta
del suo stesso sesso e che la
poeta ama. La poesia ritrovata
è una poesia che parla di rose.
Di rose ticchiolate. Le rose
macchiate di ruggine hanno
a lungo attirato la poeta.
Aveva l’abitudine di togliere
i petali malati e
metterli a seccare nei libri.
Aveva fatto questo per
anni. La bellezza della
malattia. È questo fascino che
la segnava. Un petalo
malato le sembrava più
interessante degli altri.
Oggi, una macchia di
ruggine sulla biancheria l’attira e
la fa sognare. Vorrebbe conservare
questa biancheria macchiata e fare un
arazzo di ruggine. Sarebbe
come un fregio, con le
pieghe. Lo chiamerebbe «nastro
di ruggine». O «Gonna rugginosa».
Sotto l’arazzo un flacone. Posato
a terra. Acqua scarlatta. (Toglie le
macchie di ruggine da tutti i
tessuti. Senza sciuparli.)

La Poeta s’è alzata alle cinque.
Che orrore. Ha
attraversato la città nel buio,
totalmente disperata al
solo pensiero di doversi «guadagnare la
vita». Nella luce dei fari
si ripeteva: «Sei vile.
Sei senza coraggio.» Per
consolarsi la Poeta canta
«Charlotte cocotte / Qu’est-ce
que tu fais là ? / Je cire les
bottes / De mon petit chat»
Sempre la stessa. La Poeta ha
finalmente terminato la prima
versione del film. I 12 minuti.
Riletta oggi, non la
convince. Ma non avrà il
tempo di rivederla. Ha finito anche
la prima grande serie dei
numeri disegnati. Ora
comincia quella con l’inchiostro e
i gessi. Dice: «Mi
sono soffiata il naso almeno
cinquanta volte.»

La Poeta constata che Metodo
significa proprio violenza fatta all’
abitudine al rilassamento.

Ieri ha deciso d’interrompere la sua
vita alimentare il 13 aprile. Ha
capito che sarebbe stata
liberata da questa galera.
Il seminario di traduzione si è
svolto magnificamente. Una 
zuppa di cavolo di cadaveri sarà
il titolo per il Klebnikhov. La
Poeta traduce in lingue
che non conosce. Ma
non lo fa mai da sola.

[…]

 

Ieri ha riletto due lettere di
Benjamin a Gerhard Scholem.
S’interroga sul modo in cui
l’autore dello Zohar concepisce le
articolazioni fonetiche e i
segni grafici come
depositari di rapporti cosmici.
Dice altrove: «Spesso
sogno di libri esplosi.»

[…]

Ieri La Poeta ha pensato a
Marsiglia. Marsiglia, la città dove
dorme. Si diceva: «Dormi
vicino a un continente liquido
i cui argini sono solidi e
le popolazioni nomadi almeno
dal paleolitico. Trovava
questo piuttosto confortante.

[…]

tr. it. rita florit / alfredo riponi

*

La Poétesse

La Poète a revêtu en fin de
journée une vieille chemise du
père mort. Chaude et douce. Il
pleuvait. Brusquement froid.
Elle a cueilli les dernières
tomates mûres (odeurs aigres et
dans les mains cette trace noire
un peu colle). Pommes au sol
puis les poires jaunes cette fois
dans l’arbre. Le fantôme du
père dans la cave, puis près des
arbres. Combien de temps
demeurera-t-il visible. C’est la
question qu’elle se pose.
Elle (entendez toujours « La
Poète ») note qu’elle a retrouvé
un poème d’Adilia Lopez.
Adilia Lopez est un autre poète
du même sexe qu’elle et que la
poète aime. Ce poème retrouvé
est un poème qui parle de roses.
De roses tachées. Les roses
tachées de rouille ont
longtemps intrigué la poète.
Elle avait l’habitude de prélever
les pétales malades et de les
mettre à sécher dans des livres.
Avait fait ça pendant des
années. La beauté de la
maladie. C’est ce charme qui
pesait sur elle. Un pétale
malade lui semblait plus
intéressant que les autres.
Aujourd’hui, une tache de
rouille sur du linge l’intrigue et
la fait rêver. Elle voudrait garder
tous ces linges tachés et faire au
mur un tapis de rouille. Ce
serait comme une frise, avec des
plis. Elle appellerait ça « ruban
de rouille ». Ou « Jupe rouillée ».
En bas du tapis un flacon. Posé
au sol. Eau écarlate. (Enlève les
taches de rouille sur tous les
tissus. Sans les abîmer.)

La Poète s’est levée à cinq
heures. C’était horrible. Elle a
traversé la ville dans le noir,
complètement désespérée à la
simple idée d’avoir à « gagner sa
vie ». Dans le feu des phares elle
se répétait : «Tu es lâche. Tu
n’as aucun courage. » Pour se
consoler la Poète chante
« Charlotte cocotte / Qu’est-ce
que tu fais là ? / Je cire les
bottes / De mon petit chat »
Encore la même. La Poète a
enfin terminé la première
version du film. Les 12 minutes.
Relu aujourd’hui, un peu
sceptique. Mais n’aura pas le
temps de refaire. A terminé aussi
la première grande série des
numéros dessinés. Maintenant
commence celle avec l’encre et
les craies épaisses. Elle dit : « Je
me suis mouchée au moins
cinquante fois. »

La Poète vérifie que Méthode
signifie bien violence faite aux
habitudes de relâchement.

Hier elle a décidé d’arrêter sa
vie alimentaire le 13 avril. Elle a
compris qu’elle allait être
libérée d’un petit bagne.
L’atelier de traduction s’est
magnifiquement déroulé. Une
soupe aux choux de cadavres sera
le titre pour le Klebnikhov. La
Poète traduit dans des langues
qu’elle ne connaît pas. Mais elle
ne fait jamais ça seule.

[…]

Hier elle a relu deux lettres de
Benjamin à Gerhard Scholem.
Il s’y interroge sur la façon dont
l’auteur du Zohar conçoit les
articulations phonétiques et les
signes graphiques comme
dépôts de rapports cosmiques.
Il dit plus loin : « Souvent je
rêve de livres éclatés. »

[…]

Hier La Poète a pensé à
Marseille. Marseille, la ville où
elle dort. Elle se disait : «Tu dors
prés d’un continent liquide
dont les berges sont solides et
les populations nomades depuis
au moins le paléolithique. » Elle
trouvait ça plutôt réconfortant.

[…]

da : http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=86

*

Liliane Giraudon

Née en 1946 liliane giraudon vit à marseille. Son travail d’écriture, situé entre prose (la prose n’existe pas) et poème (un poème n’est jamais seul) semble une traversée des genres. Entre ce qu’elle nomme « littérature de combat » et « littérature de poubelle », ses livres, publiés pour l’essentiel aux éditions P.O.L dressent un spectre accidenté. A son travail de « revuiste » (Banana Split, Action Poétique, If…) s’ajoute une pratique de la lecture publique et de ce qu’elle appelle son « écriredessiner » (tracts, livres d’artiste, expositions, ateliers de traduction, feuilletons, théâtre, actions minuscules)…

« Une existence tordue » pourrait être le titre de son laboratoire d’écriture où circulent des voix.

Bibliographie

Participe à diverses aventures de revues
Action Poétique. Banana Split (1980-1990).Impressions du sud. La Nouvelle B.S. Co dirige la revue If et l’Atelier de traduction « Les comptoirs » (collection aux Ed. Al Dante)
Membre du quatuor Manicle et de la Cosmetic Compagny.
Livres d’artistes.
Carnets et cahiers de dessins ( galerie Meyer Marseille. V.A.C Ventabren, Galerie du Tableau Marseille, l’Atelier Cinq Arles)
Cinépoème avec Akram Zaatazi “Les Arabes aiment les chats”

Lectures publiques. Traductions. Textes critiques. Théâtre. Tracts. Travaux invisibles.
Depuis 2010, création d’un petit laboratoire vocal avec Robert Cantarella.

 

Parmi les publications
– Some postcards about CRJ and other cards (avec JJ. Viton) Spectres Familiers, 1984
– La nuit, P.O.L, 1985
– Divagation des chiens, P.O.L 1988
– Pallaksch, Pallaksch, P.O.L, 1990 (prix Maupassant de la nouvelle)
– 29 femmes. Poésie en France depuis 1960, Anthologie (avec H.Deluy) . Stock.1994
– Les animaux font toujours l’amour de la même manière, P.O.L 1995
– Parking des filles, 1998
– Homobiographie (avec la cosmetic company) Farrago, 2000
– Sker (avec la cosmetic company) P.O.L, 2002
– La fiancée de Makhno (avec la cosmetic company), P.O.L, 2004
– L’onanisme d’Hamlet, Les Cahiers de la Seine 2004
– Carnet de nuit à Reykjavik, Fidel Anthelme X. 2004
– Les talibans n’aiment pas la fiction, Inventaire/Invention 2005
– Greffes de spectre, POL, 2005
– Marquise vos beaux yeux, avec Michelle Grangaud + Josée Lapeyrère + Anne Portugal, ed. Le bleu du ciel (collection Biennale des Poètes), 2005
– Le rasoir de Borges, opérette.avec C.Chemin et JJ. Viton. IF27+1 2006
– Marseille-postcards avec JJ. Viton Le Bleu du ciel 2006
– Feuilleton sur le site d’Inventaire/Inventions “Biographies” avec des dessins de C Chemin
– Mes bien-aimé(e)s, avec Christophe Chemin, ed. Inventaire/invention, 2007
– La vraie vie d’Angeline Chabert après sa mort, Les oublis, 2007
– La poétesse, (homographie), ed. POL, 2009
– Hôtel, avec JJ Viton photographies B. Plossu. Ed Argol 2009
– Vous mettrez ça sur la note, avec JJ Viton et B.Plasse. Ed. Diem Perdidi, 2009
– A3 (avec H. Deluy et J.J. Viton) éditions öö/Action Poétique, 2009
– Biogres, éditions Ritournelles/Malagar, 2009
– L’Omelette rouge, POL, 2011

da: http://www.m-e-l.fr/liliane-giraudon,ec,114

Edoardo Sanguineti – Ideologia e linguaggio

Il primo gesto di un commentatore è citare. Sarebbe anzi più corretto affermare che un commento è un insieme di citazioni. La forma pura del commento è l’antologia: il critico è un copista che seleziona, un amanuense che lavora di forbici. Tutto ciò che precede e segue le citazioni, tutto ciò che lega le citazioni tra di loro, ossia il discorso critico quale comunemente è inteso, nel suo complesso, è assolutamente derivato. Si tratta, e si deve trattare, di giustificare, esclusivamente, il fatto che sono state scelte quelle citazioni, e quelle soltanto. A rigore, le citazioni dovrebbero, come si dice, parlare da sole. E infatti, se un commento è un commento ben fatto, le citazioni parlano effettivamente da sole, l’antologia è nuda, immediata. Ciò che viene giustificato, spiegato, commentato, non è affatto la rete delle citazioni: è l’operazione che è stata compiuta. Nessun discorso critico può essere all’altezza delle sue citazioni (se così fosse, non sarebbe un commento, ma un testo). L’ambizione del discorso critico è di giustificare il commentatore, difendere cioè, non la scelta citazionale che è stata compiuta e che si deve difendere da sola, ovviamente, nella sua oggettività, ma la scelta soggettiva, l’atto citazionale. Il discorso critico, infine, non verte propriamente sul testo, sulle citazioni, ma è un discorso riflessivo, ripiegato sopra se stesso. Il commentatore parla di sé: non spiega il classico, ma si spiega.

(Edoardo  Sanguineti, Brecht secondo Benjamin, in Ideologia e linguaggio, Feltrinelli 2001)