rhythms (1918) | rythmes | ritmi | charles reznikoff

Hair and faces glossy with sweat in August
at night through narrow streets glaring with lights
people as if in funeral processions;
on stoops weeds in stagnant pools,
at windows waiting for a wind that never comes.
Only, a lidless eye, the sun again.

No one else in the street but a wind blowing,
store-lamps dimmed behind frosted panes,
stars, like the sun broken and scattered in bits.

*

Cheveux et visages luisant d’une sueur d’août
la nuit, par d’étroites ruelles aveuglantes de lumière
des gens, comme en procession funéraire;
ou sous les vérandas, des herbes folles en eaux stagnantes,
ou aux fenêtres, guettant le vent qui ne veut pas venir.
Seulement, au matin, œil sans paupière, le soleil.

Personne dans la rue hormis le vent qui souffle,
éclairages baissés derrière les vitres dépolies —
étoiles, comme d’un soleil brisé, pulvérisé.

*

Capelli e visi lucenti di un sudore d’agosto
di notte per strette viuzze abbaglianti di luci
persone come in cortei funebri;
sotto verande erbe selvagge in acque stagnanti,
alle finestre, aspettando il vento che non vuole venire.
Soltanto, occhio senza palpebra, il sole di nuovo.

Nessuno per strada eccetto il vento che soffia,
luci dei negozi abbassate dietro vetri opachi —
stelle, come un sole spezzato, polverizzato.

 

[Rhythms I & II, and Poems ; The Estate of Charles Reznikoff, 2005 ; Editions Héros-Limite, 2013, traduit par Eva Antonnikov e Jil Silberstein]

 

Vision de Rome (extraits) | christian prigent

Prigent_Roma

Autre matin plus de noms, rien : de l’air et des strates. Matin. Matin carmin sur place avec palmiers, matin. Et murs matin avec palmiers murs, place. Palmiers dans le matin, calés.

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Tout commence, c’est toujours le matin, le matin, toujours la main qui bouge hors du sommeil, la nuit, éblouie.

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Le matin, né, à nouveau. Dans le flu et le fli, les flots blanchis, lumière. Entre milliers de feuilles, yeuses, les oiseaux.

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Mon thème est le matin, mon sujet est l’écrit, naitre, et n’être que. Et c’est donc le matin sur la place amandine, dans les couleurs rabibochées, l’odeur de l’autre monde. Et c’est le matin sur la place palmée, sur la masse calmée, la saveur.

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Et dévalées des azalées des escaliers, vers le pied, où sont les gens, l’émeute.

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Et toutes les naissances par toutes les rues des foutus fœtus du nombre ameuté des gens.

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Du fond du fleuve, du pont rompu, du ciel émané des collines, du bleu hissé des roses, frisé, amui d’en bas, nourri d’un noir de vert de pins, vers la crête, en haut, d’où choit le chaud glué.

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Choses dans les choses et se changeant, s’aimant, s’entant, s’aimantant. En parfum et sans fin.

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Millions os ocrés, briques, brocs d’air mouillé, frottis plâtrés sur angles ongulés jaunes, Rome.

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Millions goûts, couleurs, saveurs, peaux, pensées dans nombre énorme rameuté en masse, gens. Millions.

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Un. Un héros. Je. Né. Un point dans le nombre de la masse des gens dans le zéro. Un, masse, dans le marron, strié, Zéro. Et tous dans mon cerveau. Cerceau, zéro, cercle en vélo.

 

[Muro Torto, sur les presses de la villa Médicis, Rome1980. Commencement, P.O.L. 1989]

http://julienmannoni.blogspot.it/2012/04/muro-torto-la-villa-medicis-travaux.html