Margherite Duras – Dialogo di Roma

 



C’est l’Italie.

C’est Rome.

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–  On dirait qu’il a plu.

–  On le croit tous les soirs. mais il ne pleut pas. Il ne pleuvait pas à Rome ces jours-ci C’est l’eau des fontaines que le vent rabat sur le sol. Toute la place ruisselle.

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–  Il fait presque froid.

–  Rome est très près de la mer. Ce froid est celui de la mer. Vous le saviez.

–  Je crois, oui.

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Temps long. Il dit.

–  D’après vous les hommes de la lande avaient eu vent de la tentative romaine de règner sur le monde de la pensée et des corps?

–  Je suppose que oui, qu’ils connaissaient cette tentative.

–  On savait tout dans ces landes, ces premières terres surgies de la mer.

–  Oui, c’est ça, c’est tout. dans ces landes souterraines on savait par les fuyards de l’Empire, les déserteurs, les errants de dieu, les voleurs. On connaissait tout de la tentative de Rome et on assistait à la dilapidation de son âme. Et tandis que Rome déclamait son pouvoir, vous voyez, qu’elle perdait le sang de sa pensée même, les hommes des trous, eux, restaient plongés dans l’obscurité de l’esprit.

–  Penser, est-ce qu’ils savaient qu’ils le faisaient ?

–  Non. Ils ne connaissaient pas comment écrire, ni comment lire. Cela pendant très longtemps, des siècles. Ils ignoraient le sens de ces mots-là. Mais je ne vous ai pas dit l’essentiel : la seule occupation de ces hommes avait trait à Dieu. Les mains vides, ils regardaient le dehors. Les étés. Les hivers. Le ciel. La mer. Et le vent.

–  C’était ainsi qu’ils faisaient avec Dieu. Ils parlaient avec Dieu comme jouent les enfants.