gherasim luca | théâtre de bouche | les idées

 

http://www.holidaysrecords.it/
 Ghérasim Luca
Théâtre de bouche LP
HOL-097

 

C’est précisément parce que le rituel théâtral soulève immédiatement cette question de la relation entretenue entre la représentation et la violence qu’il intéresse l’écriture poétique. Cette perspective fut notamment adoptée par Ghérasim Luca dans l’ensemble des poèmes recueillis en 1984 dans Théâtre de bouche… Mais Théâtre de bouche ne désigne pas seulement la scène restreinte où prennent place ces fragments de discours ; ce titre dit également de quel théâtre les bouches se font souvent la scène complaisante. Dans tout acte de parole serait virtuellement présente une théâtralité essentielle ; parler relève toujours du rituel. Aussi les textes vont-ils tous être caractérisés par une accentuation délibérée des marques linguistiques du rituel. Ce trait éclate dès le préambule : est construite une “axiomatique” philosophique qui souligne outrancièrement les critères attendus d’un « théâtre d’idées » : fermeté des postulats, logique de l’argumentation, utilisation des situations comme « exemples » destinés à vérifier la validité des déductions. La forme théâtrale que laisse attendre une telle préface-programme relèverait donc essentiellement du rituel didactique par lequel est illustré un ensemble de thèses.  (Dominique Carlat, Ghérasim Luca l’intempestif, José Corti)

consistances de la prose / pierre alferi

consistenze della prosa / pierre alferi

Se si ammette che ogni esperienza, quando è forte, si dà sotto le configurazioni del discontinuo, e che lo scritto – frasi, linee, versi, pagine che si susseguono – è un continuum, allora il primo lavoro di scrittura non è fare del discontinuo ma proprio fare del continuo. Ogni volta che la letteratura si volge – conversione decisiva – verso il suo presente che si presenta sempre più o meno male, ossia verso la percezione, lo scambio amoroso, la parola quotidiana, la società, ecc., la prima domanda è: come fare del continuo con questo, quale continuo farne, come concatenare? Anche in epoca recente dove si praticava, a fini di «sovversione», di «effetti di reale» o di rinnovamento ritmico, delle rotture ostentate – di tono, di sintassi – e delle omissioni, la domanda principale, soggiacente a tutte queste pratiche, e che appare, a distanza, ancor più pressante, era questa: quale tipo di continuum si ricostituisce oltre queste interruzioni, quale consistenza, quale qualità di materia è quindi conferita al testo considerato nella sua totalità?

 

 

consistances de la prose / pierre alferi

Si l’on admet que toute expérience, quand elle est forte, se donne sous les espèces du discontinu, et que l’écrit – phrases, lignes, vers, pages qui se suivent – est un continuum, alors le premier travail d’écriture n’est pas de faire du discontinu mais bien de faire du continu. Chaque fois que la littérature se tourne – conversion décisive – vers son présent qui toujours se présente plus ou moins mal, c’est-à-dire vers la perception, vers le commerce amoureux, vers la parole quotidienne, vers la société, etc., la première question est : comment faire du continu avec ça, quel continu en faire, comment enchaîner? Même à l’époque récente où l’on pratiquait, à des fins de « subversion », d’« effets de réel » ou de renouvellement rythmique, des ruptures ostensibles – de ton, de syntaxe – et des omissions, la question principale, sous-jacente à toutes ces pratiques, et qui apparaît plus pressante encore avec le recul, était celle-ci : quel type de continu se reconstitue par-delà ces interruptions, quelle consistance, quelle qualité de matière est alors donnée au texte pris en totalité?

[da Pierre Alferi, Brefs, P.O.L. 2016, p. 115]