ozio | matzneff

Oisiveté (3)

On ne lit plus guère Édouard de Hartmann, et on a tort. Philosophie de l’Inconscient, paru en 1869 (trois ans après l’Histoire du matérialisme de Lange), demeure un excellent livre. Hartmann y montre que tout ce qu’on écrit à la gloire du travail se borne à célébrer ses avantages économiques et son action moralisatrice. Hartmann compare l’homme qui accepte ce qu’il ne peut éviter et finit par aimer son état de servitude à un cheval qui, une fois dressé, « traîne avec assez de bonne humeur la charrette à laquelle il est attelé ».

Je connais par cœur le bavardage des idéologues sur « l’organisation du monde » et « la primauté de l’action » ; sur « la maîtrise du cosmos » qui, selon eux, figure l’aboutissement de la métaphysique occidentale. Soit, nous sommes en Occident, pour reprendre l’image de Hartmann, de bons dresseurs de chevaux. Y a-t-il là de quoi pavoiser ? Quand je considère que les deux tiers au moins de la planète sont plongés dans les ténèbres de la misère et du malheur, je m’interroge sur le succès de « l’organisation du monde » par l’Occident et je frémis à l’idée de ce que pourrait être sa « maîtrise du cosmos ». Pitié pour les Martiens !

Chacun sait le mot fameux de Frédéric II : « Si mes soldats commençaient à penser, aucun d’eux ne resterait dans les rangs. » Le roi de Prusse serait-il, lui aussi, un traître à l’aventure occidentale ? Ce qu’il disait hier de ses soldats, je le dis aujourd’hui des travailleurs aliénés et fiers de leur aliénation. Ce n’est pas l’organisation du monde que nous devons enseigner à nos cadets, mais celle de leur propre vie ; ce n’est pas la maîtrise du cosmos, mais la maîtrise de soi. Nos contemporains parlent trop et s’agitent trop. Il faut leur apprendre à aimer le silence et à faire oraison. Il faut réhabiliter l’oisiveté.

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Ozio (3)

Non leggiamo quasi più Eduard von Hartmann e sbagliamo. La Filosofia dell’Inconscio, pubblicata nel 1869 (tre anni dopo la Storia del materialismo di Lange), resta un libro eccellente. Hartmann mostra che tutto ciò che si scrive per elogiare il lavoro si limita a celebrarne i vantaggi economici e l’azione moralizzatrice. Hartmann paragona l’uomo che accetta ciò che non può evitare e finisce per amare il suo stato di servitù a un cavallo che, una volta addestrato, “trascina felice il carro a cui è aggiogato”.

Conosco a memoria le chiacchiere degli ideologi sull’“organizzazione del mondo” e il “primato dell’azione”; sul “dominio del cosmo” che, secondo loro, rappresenta il fine della metafisica occidentale. Siamo in Occidente, per usare l’immagine di Hartmann, buoni addestratori di cavalli. C’è forse qualcosa di cui vantarsi? Se considero che almeno due terzi del pianeta sono sprofondati nelle tenebre della miseria e dell’infelicità, mi interrogo sul successo di questa “organizzazione del mondo” da parte dell’Occidente e rabbrividisco all’idea di quel che potrà essere il suo “dominio del cosmo”. Pietà per i marziani!

Tutti conoscono le  parole famose di Federico II: “Se i miei soldati cominciassero a pensare, nessuno di loro rimarrebbe nei ranghi.” Anche il re di Prussia sembrerebbe un traditore dell’avventura occidentale? Ciò che ieri ha detto dei suoi soldati, lo dico oggi dei lavoratori alienati e fieri della loro alienazione. Non è l’organizzazione del mondo che dobbiamo insegnare ai nostri giovani, ma quella della loro stessa vita; non è il dominio del cosmo, ma il dominio di se stessi. I nostri contemporanei parlano troppo e si agitano troppo. Bisogna insegnare loro ad amare il silenzio e a pregare. Dobbiamo riabilitare l’ozio.

[Gabriel Matzneff, Le taureau de Phalaris, La Table Ronde 1994]

pire (1) | matzneff

Pire (1)

Une bonne recette pour désamorcer le malheur est de ne jamais oublier qu’il peut frapper à chaque instant. « Le pire est toujours certain. » Ta maîtresse t’adore ? Elle va rencontrer un autre homme, et te trahir. Tu te crois en parfaite santé ? Ton médecin, en t’examinant, va découvrir une tumeur fatale. Tu collectionnes de beaux objets ? Un incendie va les réduire en cendres. Plus nous sommes pénétrés de la nature fugace de nos bonheurs et plus nous sommes attentifs à en jouir pleinement. L’avenir est une duperie. Seuls comptent le passé, qui ne peut nous être ôté, et l’instant présent. Le futur n’existe pas. Demain, nous serons morts.

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Il peggio (1)

Una buona ricetta per neutralizzare l’infelicità è non dimenticare mai che può colpire in ogni momento. “Il peggio è sempre certo”. La tua amata ti adora? Incontrerà un altro uomo e ti tradirà. Ti credi in perfetta salute? Il tuo medico, esaminandoti, scoprirà un tumore fatale. Collezioni oggetti belli? Un incendio li ridurrà in cenere. Più siamo penetrati dalla fugacità della nostra felicità, più saremo attenti a goderne pienamente. Il futuro è un inganno. Contano solo il passato, che non ci può essere tolto, e il momento presente. Il futuro non esiste. Domani, saremo morti.

[Gabriel Matzneff, Le taureau de Phalaris, La Table Ronde 1994]

peccato | matzneff

Péché

Dans l’Évangile, le Christ ne parle pas du suicide. Il se tait d’ailleurs sur bien des points. Il se contente d’écrire sur le sable, silencieusement, comme avec la femme pécheresse. C’est pourtant à cette femme qu’il adresse un des mots les plus mystérieux de sa prédication : « Va, et ne pèche plus. »

Il ne dit pas : « Va, et ne trompe plus ton mari » ou : « Va, et ne couche plus à droite et à gauche », mais : « Va, et ne pèche plus. » Peut-être fait-il allusion à un tout autre péché qu’il est le seul à connaître, et que la femme, elle aussi, connaît. Peut-être ne s’agit-il pas des coucheries pour lesquelles les honnêtes gens sont prêts à la lapider. Peut-être est-ce une dureté de cœur, un manque de charité, une âpreté au gain. Le Christ sait quel est notre vrai péché, et il garde le secret.

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Peccato

Nel Vangelo Cristo non parla del suicidio. D’altra parte tace su molti punti. Si accontenta di scrivere sulla sabbia, silenziosamente, come con la donna peccatrice. Ma è a questa donna che egli rivolge una delle parole più misteriose della sua predicazione: “Va’, e non peccare più”.

Egli non dice: “Va’, e non tradire più tuo marito”, oppure: “Va’, e non andare più a letto a destra e a manca”, ma: “Va’, e non peccare più”. Forse allude a tutt’altro peccato, che è il solo a conoscere, e che anche la donna conosce. Forse non sono le faccende puramente di letto, per le quali le persone oneste sono pronte a lapidarla. Forse è la durezza di cuore, la mancanza di carità, l’avidità di guadagno. Cristo sa qual è il nostro vero peccato e mantiene il segreto.

[Gabriel Matzneff, Le taureau de Phalaris, La Table Ronde 1994]

putain | matzneff

Putain

La libération n’est pas l’abandon aux pulsions chaotiques du corps et de l’esprit, mais leur maîtrise. Être un homme libre n’est pas être un homme à quatre pattes, mais être un homme debout. Ce qui nous libère est ce qui nous unifie, et non ce qui nous morcelle. Lorsqu’un homme au tempérament donjuanesque fait par amour-passion l’expérience de la fidélité, il éprouve une exquise sensation de délivrance: délivrance du mensonge, délivrance de la division, délivrance des démons qui le retenaient prisonnier.

Aujourd’hui, pour beaucoup d’hommes, la libération, c’est la partouze; et une femme libérée, c’est une femme facile, une Marie-couche-toi-là. Parce qu’ils se savent incapables de charmer les jeunes personnes, d’opérer la divine alchimie de la séduction, où l’indifférence se métamorphose en tendresse et l’hostilité en désir, ces types rêvent de femmes qui se déshabilleraient sur un claquement de doigts. Autrefois, il y avait les putains; à présent, il y a les femmes libérées. Aux yeux de tels hommes, une femme libérée est une putain qu’ils ne payent pas.

Que certains hommes se satisfassent de cette caricature de la libération est compréhensible; ce qui en revanche ne l’est pas, c’est que des femmes y prêtent la main. Je savais les femmes volontiers misogynes. Il me restait à apprendre qu’elles sont aussi masochistes. Le «Je suis putain et fière de l’être» ne relève pas de la liberté, mais de la haine de soi. Or cette haine de soi est le sentiment qui m’est le plus étranger. Moi aussi, mon besoin de conquêtes toujours renouvelées a longtemps fait de moi un Gabriel-couche-toi-là et, en quelque sorte, la putain de mes jeunes amoureuses. Mais moi, je n’en étais pas fier.

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Puttana

La liberazione non è abbandono agli impulsi caotici del corpo e della mente, ma il loro dominio. Essere un uomo libero non significa essere un uomo a carponi, ma un uomo in piedi. Ciò che ci libera è ciò che ci unifica, non ciò che ci frammenta. Quando un uomo dal temperamento di dongiovanni sperimenta la fedeltà attraverso l’amore-passione, prova una squisita sensazione di liberazione: liberazione dalla menzogna, dalla frammentazione, dai demoni che lo tenevano prigioniero.

Oggi, per molti uomini, la liberazione significa partouze; e una donna liberata è una donna facile, una-che-va-a-letto-con-tutti. Poiché sanno di essere incapaci di affascinare le giovani ragazze, di operare l’alchimia divina della seduzione, dove l’indifferenza si metamorfosa in tenerezza e l’ostilità in desiderio, questi tipi sognano donne che si spoglierebbero a uno schiocco di dita. In passato c’erano le puttane; ora ci sono le donne liberate. Agli occhi di questi uomini, una donna liberata è una puttana che non pagano.

Che alcuni uomini si accontentino di questa caricatura della liberazione è comprensibile; ciò che al contrario non lo è, è che le donne vi prestino il fianco. Sapevo che le donne erano volentieri misogine. Dovevo ancora imparare che sono anche masochiste. Il “Sono puttana e fiera di esserlo” non è libertà, ma odio di sé. Ora, questo odio di sè è il sentimento che mi è più estraneo. Anche nel mio caso, il bisogno di conquiste sempre nuove ha per lungo tempo fatto di me un Gabriel che-va-a-letto-con-tutte e, in un certo senso, la puttana delle mie giovani amanti. Ma io, non ne ero orgoglioso.

[Gabriel Matzneff, Le taureau de Phalaris, La Table Ronde 1994]

education | matzneff

Education (1)

Le mot éducation vient d’un verbe latin qui signifie « donner à manger ». Chez les anciens Romains, Édusa est la déesse qui préside à la nourriture des enfants. Qu’en est-il de nos jours ? Être un éducateur, c’est avoir quelque chose à transmettre. Or, dans notre Europe blasée, il est de mode de ne plus croire à la fécondité de la transmission, et il y a déjà longtemps que le sage n’est plus le héros que nous proposons en exemple aux adolescents. Transmettre une foi, une culture, un enseignement (au sens que Bouddha, Epicure et Jésus donnent à ce terme), tout le monde ou presque tout le monde, s’en fiche. Hic et nunc, les seuls héritages pour lesquels les gens s’excitent, sont ceux que l’ont peut inscrire sur des comptes en banque.

La parola educazione deriva da un verbo latino che significa “dare cibo”. Presso gli antichi romani Edusa è la dea che presiede al nutrimento dei bambini. Che ne rimane ai nostri giorni? Essere educatore è avere qualcosa da trasmettere. Tuttavia, nella nostra logora Europa, è di moda non credere più alla fecondità della trasmissione, e da tempo l’uomo saggio non è più l’eroe che offriamo come esempio agli adolescenti. Di trasmettere una fede, una cultura, un insegnamento (nel senso che danno a questo termine Buddha, Epicuro e Gesù ), a nessuno o quasi interessa. Hic et nunc, le uniche eredità che entusiasmano sono quelle depositate sui conti bancari.

[Gabriel Matzneff, Le taureau de Phalaris, La Table Ronde 1994]